La vierge fatale

Raoul Whitfield (1896-1945) "Torry Jones, debout à l’avant du yacht, entre deux jeunes femmes, se pencha par-dessus le bastingage et emboucha le porte-voix qu’il tenait à la main. Le grand navire blanc apparaissait vermeil dans la lumière rouge du soleil couchant. À l’arrière, un air de jazz s’élevait qui s’éteignit comme la petite chaloupe à vapeur, grise et sale, stoppait et roulait doucement, moteur arrêté, à quelques brasses de la proue aiguë. Torry héla l’embarcation : – Ohé du bateau ! Que désirez-vous ? Je regardai O’Rourke qui se tournait vers moi, les sourcils froncés, sa grosse tête un peu penchée. Une longue cicatrice marquait sa joue gauche. Je ne pouvais m’empêcher, à chaque fois que je voyais cette cicatrice, d’évoquer Dingo Santelli se précipitant, un couteau à la main, sur O’Rourke qui tentait de se défendre avec ses poings. L’homme cracha dans les flots de l’Hudson et considéra le yacht avec une sorte de mépris. – La Vierge ! murmura-t-il. C’est un bateau de femme ! Mais il est très beau ! – Doucement, lui dis-je. Demandez à votre copain d’accoster un peu plus loin, à la coupée. Et ne parlez pas trop, Vennell ne vous paye pas pour parler. O’Rourke sourit, découvrant ses dents éclatantes et bien rangées. C’était un drôle de bonhomme, un gangster d’origine irlandaise qui avait été garde du corps d’un bootleger notoire. Il était étrange qu’un journaliste tel que moi l’amenât à bord du yacht de Vennell. Nous étions invités, mais je soupçonnais que Mick O’Rourke serait un invité grassement payé." Eric Vennel, a invité, sur son yacht "la Vierge", plusieurs "amis" assez disparates, pour assister à des régates sur l'Hudson. Mais pour quelles raisons, Mick O'Rourke, un malabar peu recommandable, a-t-il été convié à ces réjouissances?