Le roman de la faim: du «Hungerkünstler» au «schizoflâneur»

FR. Les œuvres examinées dans cet ouvrage considèrent la privation alimentaire, qu’elle soit forcée ou volontaire, comme le lieu paradoxal de la souffrance et de l’extase, du pouvoir et de l’émancipation, du silence et de l’expression de soi. Ce court essai permet de dégager quelques traits récurrents du récit de la faim, parmi lesquelles se dégagent deux figures dominantes : celle de l’écrivain famélique, d’une part, et celle de l’employé de bureau miséreux, d’autre part. La première est le plus souvent associée à une sorte de double obscur et abject du flâneur évoluant au sein d’une variation grotesque et désespérée du roman d’artiste. Quant à la seconde, elle nous ramène à ce qui, au sein de l’expérience et de l’écriture de la faim, constitue un angle d’approche privilégié d’un désordre social et psychologique propre aux copistes de bas étage du roman de la bureaucratie.
EN. The works examined in this book consider food deprivation, whether forced or self-imposed, as the paradoxical site of suffering andecstasy, power and emancipation, silence and self-expression. This short essay discusses some salient features of hunger narratives. Among these the figures of the starving writer and of the miserable office worker stand out. The former is most often associated with a sort of dark and abject double of the flâneur set against a grotesque and desperate variation of the artist’s novel. The second brings us back to what the experience and the writing of hunger can teach us about a social and psychological disorder peculiar to the low-level copyists of the fiction of bureaucracy.