Engagement, fiction et vérite: Pasolini, Kalisky, Sciascia, Mertens

«Un petit “ Rashomon ” critique, dans lequel le regard de Méduse de Pasolini puisse être morcelé en plusieurs miroirs, correspondant chacun à l’interprétation de Kalisky, Sciascia et Mertens.»

FR. Cet essai est consacré à la comparaison de quatre écrivains et intellectuels : les Italiens Pier Paolo Pasolini (1922-1975) et Leonardo Sciascia (1921-1989) et les Belges francophones René Kalisky (1936-1981) et Pierre Mertens (1939). En partant des affinités explicites entre ces auteurs, mais aussi en les dépassant, nous aimerions comparer leurs positions différentes face à une question essentielle pour l’histoire intellectuelle du XXe siècle : la déchirure du lien entre réalité et vérité. Pasolini s’inscrit dans une attitude tragique en tant qu’il oscille entre deux pôles inconciliables : ne reconnaissant pas cette déchirure, il ondule entre l’acceptation totale de l’idée de réalité comme vérité et son refus, tout aussi totalisant. Les trois autres écrivains reconnaissent en revanche cette situation de crise, et de là partent en quête de solutions temporaires. Leur posture dialectique les pousse à dépasser le plan de la négation. Selon Kalisky, Sciascia et Mertens, l’oeuvre peut encore racheter la réalité – selon des modalités bien différentes d’un auteur à l’autre. Pour Kalisky, la fiction tend à prendre la place de la réalité. Sciascia et Mertens postulent au contraire que l’invention et le réel s’entrecroisent sans cesse. Selon Mertens cependant, il convient de renforcer, de confirmer ce mélange à travers une écriture qui le sur-mobilise et le magnifie – tandis que chez Sciascia, l’univers de la fiction se justifie entièrement par ses rapports vivants avec les mouvements de l’histoire, dans la mesure où il est capable de démasquer les mensonges du réel.

EN. This essay aims to provide a comparative analysis among four famous writer-essayists—Pier EN. Paolo Pasolini (1922-1975), Leonardo Sciascia (1921-1989), René Kalisky (1936-1981), and Pierre Mertens (1939)—starting from explicit similarities, but highlighting some interesting but neglected differences among them, concerning a crucial issue of the twentieth century intellectual history: a gap between reality and truth. My claim is to show the radical difference between Pasolini’s approach to this topic in relation to the other three authors. As Pasolini fluctuates between two irreconcilable positions, he assumes “a tragic attitude”: while he does not recognise this gap, he hesitates between a full acceptance of reality as a truth and a total rejection of such idea. On the contrary, Kalisky, Sciascia, and Mertens openly recognise this crisis finding some provisional solutions. Their dialectical attitude drives them to go over mere negation. According to them, the literary work could still emancipate the reality—though in different ways: Kalisky thinks that fiction has to substitute reality, whereas both Sciascia and Mertens postulate a mixture of fiction and reality. However, if Mertens emphasises this combination, Sciascia prefers, by contrast, to link fiction to historical actions and social movements, insofar as the act of writing could unmask the lies of reality.

IT. Questo saggio è consacrato al confronto di quattro scrittori e intellettuali: gli italiani Pier Paolo Pasolini (1922-1975) e Leonardo Sciascia (1921-1989) e i belgi francofoni René Kalisky (1936-1981) e Pierre Mertens (1939). Partendo dalle affinità esplicite tra questi autori, ma anche superandole, avremo il piacere di confrontare le loro diverse posizioni riguardo una questione essenziale per la storia intellettuale del XX secolo: la rottura del legame tra realtà e verità. Pasolini assume un’attitudine tragica in quanto oscilla tra due poli inconciliabili: non riconoscendo questa rottura, si pone tra l’accettazione totale dell’idea di realtà come verità e il suo totale rifiuto. Gli altri tre scrittori riconoscono invece questa situazione di crisi e partono da lì alla conquista di soluzioni temporanee. La loro posizione dialettica li spinge a superare il piano della negazione. Secondo Kalisky, Sciascia e Mertens l’opera può ancora riacquisire la realtà, secondo modalità ben diverse da un autore all’altro. Per Kalinski la finzione tende a rimpiazzarela realtà. Sciascia e Mertens affermano al contrario che l’invenzione e il reale si intersechino costantemente. Tuttavia, secondo Mertens bisogna rinforzare, confermare questo intreccio attraverso una scrittura che ne faccia il massimo uso e lo esalti; in Sciascia, invece, l’universo finzionale è giustificato interamente dai suoi vivi rapporti con l’evolversi della storia, nella misura in cui sia capace di smascherare le menzogne del reale.