Le grand linguiste Ferdinand de Saussure distingue dans le langage : la langue et la parole. La langue « est un ensemble de conventions nécessaires, adoptées par le corps social pour permettre l'exercice du langage chez les individus ». « Elle est la partie sociale du langage, extérieure à l'individu, qui à lui seul ne peut ni la créer, ni la modifier ; elle n'existe qu'en vertu d'une sorte de contrat passé entre les membres de la communauté. D'autre part l'individu a besoin d'un apprentissage pour en connaître le jeu ; l'enfant ne se l'assimile que peu à peu », La langue est un système de signes où il n'y a d'essentiel que l'union du sens et de l'image auditivo-motrice. Ce système n'est pas une fonction du sujet parlant. Il est l'œuvre d'une communauté linguistique et l'individu l'enregistre passivement. La parole au contraire est un acte individuel de volonté et d'intelligence « dans lequel il convient de distinguer : 1° les combinaisons par lesquelles le sujet parlant utilise le code de la langue en vue d'exprimer sa pensée personnelle ; 2° le mécanisme psychologique qui lui permet d'extérioriser ces combinaisons ». Cette distinction de la langue et de la parole est excellente. Mais je ne la crois pas suffisante. Je crois qu'il faut distinguer entre le langage et la langue et séparer plus nettement encore que ne le fait Saussure le parler ou la formulation verbale de la parole proprement dite. Selon la division que je propose il y aurait dans ce qu'on appelle communément langage quatre aspects nettement distincts : Le langage proprement dit, c'est-à-dire la fonction humaine qui construit ou permet d'utiliser le système de signes appuyé sur des notions ordonnées par des relations, en quoi consiste toute langue. Toutes les langues, si diverses qu'elles soient, obéissent à certaines exigences fondamentales de la pensée et de la structure mentale de l'homme. Les langues sont des variations historiques et sociales sur le grand thème humain du langage ; La langue, ensemble de conventions linguistiques qui correspond à un niveau d'esprit, à un moment du développement de l'esprit et de la civilisation. Elle préexiste à l'individu ; elle s'impose à lui ; elle lui survit. Elle est l’œuvre d'un groupe social, mais ce groupe est d'abord un groupe humain et la pensée humaine se retrouve dans son œuvre ; Le parler ou la formulation verbale ; c'est-à-dire le sujet parlant, dans son maniement de la langue et sa soumission aux exigences du langage. Tout ce qui, dans la langue, n'est que latent et virtuel, passe à l'acte dans la conscience individuelle. En même temps qu'il subit la langue, le sujet parlant réagit sur elle. La langue n'est pas fixée une fois pour toutes. L'individu contribue à la maintenir et à la réformer. La liberté et la contrainte s'entre-croisent dans son esprit ; La parole, qui n'est pas autre chose que le mécanisme psychophysique qui permet au sujet parlant d'extérioriser le système linguistique. La parole est un système auditivo-moteur. Elle est du point de vue moteur la coordination de l'expiration, de la phonation, de l'articulation. Elle est du point de vue auditif, le mécanisme de l'audition verbale. Elle est la synergie du système auditif et du système moteur, qui se construisent simultanément et par interaction, comme nous le montre très bien l'apprentissage du langage par l'enfant. L'oreille de l'enfant ne se forme-t-elle pas à l'audition verbale dans la mesure où sa voix réussit à émettre les sons qu'il entend ? et les modèles sonores qu'il perçoit, confusément d'abord, ne donnent-ils pas une forme nouvelle à son babillage spontané ?...
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