L’Esprit des lois s’attache à certaines des lois à caractère liberticide votées depuis 1981 (date de l’arrivée de la gauche au pouvoir, moment symbolique concentrant beaucoup d’espoirs humanistes). On peut considérer que l’atteinte aux libertés commence, d’une part, dès que les droits constitutionnels de l’individu sont attaqués et, d’autre part, à partir du moment où une loi/un décret donne pouvoir ou tout pouvoir à un petit nombre de recueillir des informations sur, ou de disposer de la vie de quelqu’un en fonction d’une raison supérieure, qu’elle soit d’État ou non. FB De Frédéric Dumond, nous avons publié deux textes : We are under attack (dans les formes brèves) et récemment Ad hominem, variation sur lieu et temps. Dans les deux cas, la scansion, la répétition sont utilisées comme outils – liés à la performance orale, à l’intervention scénique – pour décrypter un point de société, et y imposer parole. Avec L’Esprit des lois, Frédéric Dumond s’embarque dans un projet d’une autre ampleur, où le support numérique intervient dès la conception du livre. D’abord, le point de friction : les libertés individuelles, telles que mises en cause par des lois récentes, touchant à l’ordre même de la communauté, sa régulation, parfois avec violence (fichier EDVIGE, centres de rétention), ou la philosophie même de ce qui nous rapproche (le suffrage universel, les lois sur la communication). Sur ce point de friction s’établit la langue qui cherche et qui proteste. C’est la voix narrateur, où on retrouve scansion, récurrences, vers libre, accumulations. Cette voix narrateur ne s’embarrasse pas d’expliquer. Elle s’installe dans ce territoire, et de poser le fait de langue interroge bien sûr, d’abord, qui la profère. Et dans ce point de friction, donc, des accumulations : parce qu’on travaille au même endroit de cette friction de la langue et du monde, parce que ce fait de société nous détermine dans notre temps, Frédéric Dumond installe, à la fin de chacune de ses variations, une sorte de journal, juste marquage du temps. Alors renvoyant la langue sur son univers-source : ce que je dis a effet réel sur mes jours, et voici les jours. Mais remplaçant étrangement la profération par une continuité, la surface plastique, devenue quasi indifférenciée, de la langue. Le livre alors une sorte de miroitement, qui s’éloigne, et dans lequel nous prendrons un autre biais pour à nouveau entrer. Enfin, et parce que le numérique permet de naviguer de façon interactive sans contrainte, le substrat : la langue poétique emmène jusque dans le livre ce qu’elle documente. On parle du fichier EDVIGE : on produit les textes de lois, on rassemble les discussions parlementaires. On reparcourt l’univers des langues mortes, des débats, on produit les articles, la réflexion, les analyses sociologue. Vous n’êtes pas forcé de tout lire : simplement, si on souhaite convoquer, ou simplement changer son propre territoire de lecture, tout est mis à disposition. Il se trouve cependant, à produire ces textes qui nous régissent, mais ne sortent pas de leur sphère politique ou juridique, des cercles de pouvoir, que le statut même de la colère, ou de notre revendication au monde, change. Merci donc à Frédéric Dumond de nous confier ce travail. En ces temps de fissuration du sarkozysme, c’est un terrain salubre. Et qui réaffirme avant tout la force de la langue. FB Sur Frédéric Dumond, lire présentation et liens dans Ad hominem.
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